BOIRE LES NOIX !

L'avantage avec les recettes "toutes simples", c'est qu'elles nous en apprennent bien plus que tous les plats alambiqués, super complexes et hors de prix ! Ici nos cuisinautes-explorateurs intrépides se sont intéressés à une préparation un peu oubliée : le vin de noix qu’il faut faire dès maintenant, la saison passe très vite !

Noix immatures prêtes à être transformées en vin !

Noix immatures prêtes à être transformées en vin !

Le vin de noix (Juglans regia) est une petite spécialité qu’on sert en apéritif en Dordogne, dans le Périgord, plus précisément, région bénie des Dieux où votre serviteur a une partie de ses racines. Lorsqu’il est réussi, ce breuvage est extrêmement sympathique et la modération doit absolument être convoquée afin d’éviter les surdosages déjà remarqués, çà et là. Fondamentalement, le vin de noix est une macération longue que l’on prépare avec des noix immatures récoltées alors que leurs coquilles ne sont pas encore tout à fait solidifiées. La recette est très simple, même si elle demande un peu d’effort et de temps. La seule difficulté consiste à récolter les noix au juste seuil de maturité. Il va sans dire qu’il faut, aussi, posséder un noyer.

Point technique

Petits mystères des fruits …

Petits mystères des fruits …

On voit assez bien sur cette image le bon état d’immaturité des drupes pour faire le vin de noix. On peut dépasser légèrement ce stade, mais pas trop car après le vin de noix aura tout de même une note amère assez envahissante.

LA RECETTE PAS TGV DU TOUT

Les noix coupées s’oxydent rapidement, il faut faire vite… Mais sans se couper.

Les noix coupées s’oxydent rapidement, il faut faire vite… Mais sans se couper.

Comment À partir de la première semaine du mois de juin, testez les noix tous les 2 ou trois jours en les coupant en deux : si cela ne demande aucun effort : les noix ne sont pas assez mûres. Si vous ne pouvez les couper, c’est déjà trop tard… Vous devez pouvoir les trancher en appuyant un peu sur le couteau. C’est très empirique, certes...En vérité, on recherche le bon état de maturité phénolique des drupes. Récoltez 24 noix, donc, sans tomber de l’arbre, s’il vous plait. Coupez en quartiers (les noix, pas l’arbre, mettez des gants sinon vos mains seront noires pour des jours et des jours) Dans une jarre, un mini tonneau, un récipient, assemblez les 24 noix coupées, 1 kg de sucre biologique, 1 litres d’alcool pour fruit à 40°C (mais pas du gel hydroalcoolique, surtout). Remuez une ou deux minutes avec une spatule, fermez. Remuez toutes les semaines pendant 2 à trois mois en remuant de temps en temps Ajoutez 5 litres d’un vin biologique un peu tannique de bonne qualité, mélangez. Filtrez, embouteillez, bouchez, laissez maturer… 1 an ! Entreposez dans un endroit frais et sombre.

Et maintenant, il faut mélanger et attendre…1 année !

Et maintenant, il faut mélanger et attendre…1 année !

Pourquoi  La maturité des noix ? Eh oui : avant l’heure, c’est pas l’heure, après l’heure, c’est plus l’heure ! Au différents stade de maturité de la noix, correspondent différents niveaux de lipides, de sucres, d’amidon et surtout de tannins. Le degré de maturité voulu ici, correspond à un certain état qualitatif et quantitatif de tannins (qui se trouvent dans le mésocarpe de la drupe) afin qu’ils soient bien présents dans le vin mais pas trop agressifs non plus…Les quantités de sucre et d’alcool ? Ces proportions sont là pour des raisons organoleptiques (mais il faut essayer son propre mix) et microbiologiques afin que la macération puis le vin se conservent. Le temps long de macération ?  Le temps que les noix immatures cèdent au mélange sucre/alcool tout ce qu’elles ont a céder, un temps aussi qui permet aux composés les plus amers de se dégrader et se polir.

Puisque cette recette nous vient de la Dordogne, voici quelque lignes du “Colosse de Maroussi” roman de Henry Miller. L’auteur y parle de cette région comme aucun autre…

"Je suis convaincu que c'était bien cela pour l'homme de Cro-Magnon, malgré le témoignage fossilisé des formidables grottes, qui indique des conditions de vie plutôt stupéfiantes et terrifiantes. Rien ne m'empêchera de croire que si l'homme de Cro-Magnon s'installa ici, c'est qu'il était extrêmement intelligent, avec un sens de la beauté très développé. Rien ne m'empêchera de croire que le sentiment religieux avait déjà atteint en lui un haut degré de développement et qu'il a fleuri en ces lieux, alors même que l'homme vivait comme une bête au fond des cavernes. Rien ne m'empêchera de croire que cette grande et pacifique région de France est destinée à demeurer éternellement un lieu sacré pour l'homme et que, lorsque la grand-ville aura fini d'exterminer les poètes, leurs successeurs trouveront ici refuge et berceau. Cette visite à la Dordogne fut pour moi, je le répète, d'une importance capitale : il m'en reste un espoir pour l'avenir de l'espèce, et même de notre planète. Il se peut qu'un jour la France cesse d'exister, mais la Dordogne survivra, tout comme les rêves, dont se nourrit l'âme humaine. "

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Stephane Lagorce